Magaly 35 ans, jeune maman épanouie dans son quotidien de femme et de lieutenant pénitentiaire nous a captivé, et même embarqué, en nous partageant son métier, son quotidien avec humour, passion, transparence… Nous avons eu le souffle coupé à plusieurs reprises
Lorsque Magaly était plus jeune, elle rêvait de devenir une grande avocate. Elle rêvait d’effets de manches et de grandes plaidoiries. Très vite elle se lance dans des études de droit.
Dès la 1ère année, Magaly a assisté aux cours d’un professeur, qui est aujourd’hui un ami mais aussi son mentor. Elle a suivi un Master 1 Droit privé et sciences criminelles. Puis validé son M2 grâce à la rédaction d’un mémoire mené sous la direction de son mentor : « Mourir en prison : prévention et postvention, des textes à la réalité carcérale ». Très vite Magaly se rend à l’évidence elle voulait être avocate juste pour aller en prison. Elle revoit alors son projet professionnel.
Magaly nous interroge sur le nombre de personnes écrouées en France. Un simple indice : le stade de France plein à craquer.
Au 1er Novembre 2018:
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- 82 000 personnes sont écrouées dont environ 4% de femmes
- 70 700 sont incarcérées pour 60 100 places opérationnelles
- 11 300 sont écrouées en aménagement de peine
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Qu’est-ce qu’un Lieutenant pénitentiaire ? Quel est son rôle ?
Le Lieutenant Pénitentiaire est officier de l’administration publique. Elle encadre tout le personnel de surveillance et gère également la vie quotidienne des personnes détenues. Son bureau se trouve au milieu des coursives.
Magaly nous parle très vite de l’ingéniosité sans limite des détenus pour mener à mal l’ensemble du personnel et elle découvre très vite les limites du corps humain. On lui demande souvent comment rentrent les téléphones portables en prison. Plusieurs façons nous dit-elle : par les visiteurs au parloir ou par la projection de colis au-dessus du mur d’enceinte directement dans les cours de promenade. Magaly nous décrit alors une fouille au corps à laquelle elle ne peut assister en tant que femme, la tension est au max !
Magaly nous fait part du manque de moyens. Par exemple, lorsqu’elle prend ses fonctions elle a environ 400 détenus sous sa responsabilité. Pour gérer ces 400 détenus, une équipe composée de 2 gradés et 7 surveillants. Son bâtiment est divisé en 4 niveaux : donc un surveillant pour gérer un étage.
C’est comment en prison ?
Magaly nous offre une visite guidée de la maison d’arrêt, nous la regardons toutes avec de grands yeux comme si nous étions à côté d’elle lors de sa journée de travail : Elle nous parle d’une petite ville dans la ville, un vrai microcosme avec son langage, ses codes, ses règles.
Les détenus vivent à 2, voire 3, dans une cellule de 9m2. Ils ont accès à 1h de promenade le matin et 1h l’après-midi. Ils mangent en cellule et non en réfectoire.
Sa place en tant que femme chef
Les métiers pénitentiaires sont des métiers qui reposent exclusivement sur la gestion de l’humain. Il n’y a pas de routine. Lorsque Magaly arrive le matin, elle ignore de quoi sera faite sa journée.
En tant que chef d’équipe, Magaly est amenée à gérer tous les incidents pouvant se produire dans son secteur. Et c’est sur cette première intervention qu’elle sera jugée. A noter d’ailleurs que les surveillants ne sont absolument pas armés en détention. Oublions la matraque que l’on voit dans les films ou les séries.
Les surveillants vont attendre de Magaly la décision la plus juste et appropriée face à un incident. Si elle se rate, elle perd une partie de leur confiance et surtout, sa crédibilité.
Voici l’exemple d’une situation à gérer : les détenus refusent de réintégrer. La cour de promenade c’est un No man’s land. Peu importe ce qu’il s’y passe, Magaly ne fera jamais intervenir aucun surveillant. Si les détenus sont trop nombreux et ingérables ils font appel aux ERIS, équivalent du GIGN.
Sa place de femme au milieu des détenus
Les menaces, les insultes, les agressions sont intolérables. Cependant, elles font parties des risques liés au métier. Magaly ne s’est jamais fait agresser physiquement par un détenu. Mais comme beaucoup de femmes évoluant dans ce milieu elle a déjà subi des insultes, des menaces. On ne se parle pas des traditionnels « pute » ou « salope », banal… On se parle de propos bien plus violents.
La prison déculpe les émotions, celles des détenus, mais aussi celles des personnels. Certaines situations sont d’une telle violence, qu’il faut apprendre à mettre la distance pour se préserver nous confie Magaly.
La gestion de sa grossesse en détention
Lors de sa grosse Magaly adapte sa façon de travailler pour aller le plus loin possible. Elle s’arrêtera d’ailleurs à 7 mois et demi de grossesse. Les agents de Magaly ont eu un rôle important au cours de cette période, de vrais « boucliers », nous dit-elle.
La grande surprise de cette période a été le comportement des détenus. Comme si la femme enceinte, la future maman, était encore la seule chose qu’ils arrivaient à respecter. Ils étaient même bienveillants se souciaient de savoir comment elle allait.
Magaly a pris récemment de nouvelles fonctions en prenant la gestion du Centre National d’Evaluation. La mission du CNE : évaluer de la dangerosité en équipe pluridisciplinaire. Dans les toutes prochaines semaines une UDV (unité pour détenus violents) ouvrira ses portes, Magaly est très fière de participer avec son équipe à ce projet.