J’aimerais ne pas vous parler de confinement-déconfinement mais franchement, je ne vois pas de quoi vous parler d’autre. Ça fait deux mois que l’on a des oeillères et que de toute façon, quand on les relève, c’est pareil sur les côtés. C’est partout. À droite, à gauche, devant, derrière. Les masques sur nos visages, le gel hydroalcoolique sur nos mains, la couverture de survie dans notre sac à main. (Comment ça, pas ça ?)

Depuis quelques jours, on est comme des chiens à qui on a allongé la longueur de la laisse. On a 100 km. Si on replonge dans nos cours de 5ème, on sait bien qu’on n’a pas vraiment 100km. Non, en réalité on a 100 km x π soit 31400m2. (Par rapport à notre T1 bis, ça change pas mal de chose). Mais c’est vrai que le point le plus loin, est à 100km. Et 100 km c’est à la fois beaucoup et pas beaucoup. En fait, pour être plus précise, 100km, c’est DEVENU pas beaucoup. 

Je suis souvent surprise de constater à quel point une ou deux générations ont suffit à changer notre vision des choses. Mon grand-père me raconte souvent qu’il n’y avait qu’une seule voiture dans son village. Mes parents sont partis en voyage de noces en Espagne. J’aurais pu faire un échange universitaire en Australie. Alors bien sûr, quand on peut aller au bout du monde, 100km, c’est la porte à côté…

Depuis qu’il est possible de partir loin pour le même prix que partir près, on achète des billets d’avion sans trop savoir où on va. Comme si l’important c’était d’y aller, de parcourir tous ces kilomètres qui nous paraissent une belle affaire.

Pourtant ce n’est pas toujours une bonne idée. 

Par exemple Helsinki. Je ne savais pas si c’était bien, je savais juste que c’était loin. Et bien, je n’ai pas eu tort. C’était loin.

Dans un monde où il n’y a plus aucune terre à découvrir, on aime bien se dire que l’on part explorer quand même. Que l’on voit quelque chose qu’il a fallu aller chercher. Quelque chose qui nous coûte, en temps, en argent et en stress pendant les turbulences. On veut du dépaysement parce que parfois, une simple recherche Google permet à nous faire voyager.

On a envie d’être loin parce qu’on vit dans un monde où tout est à portée de main. Nos amis sont toujours dans notre poche, les sushis au coin de la rue et le tee-shirt “I LOVE NEW YORK” livrable en un jour ouvré.

Alors on part loin. On veut mériter nos vacances parce que c’est comme ça que fonctionne notre monde. On veut un retour sur investissement et on ne sait pas compter autrement qu’en utilisant des chiffres. 11h de vol, 2 escales, 9000 kilomètres, 700 euros de billets pour se déconnecter de nos 45 heures de travail hebdomadaires.

On part loin et on se pense plus libre mais en réalité, on l’est moins. Car les lignes aériennes dictent nos choix. J’ai parfois l’impression de mieux connaitre certaines villes situées à des milliers de kilomètres, que d’autres, proches de chez moi, pour la simple raison que les premières sont à l’autre bout d’un trajet décidé par Ryanair.

Mais les autres villes ? Qu’en est-il de celles qui sont entre les lignes aériennes ?

Cette pensée, je l’ai eu il y a deux ans. À l’époque,  j’avais pris ma carte et mon compas et j’avais tracé un rond d’un rayon de 100 km autour de chez moi en me disant que 100km, c’était ce qu’il se faisait de mieux, en termes de proximité. J’avais regardé mon champ des possibles droit dans les yeux et j’avais pris la route. J’ai visité deux des plus beaux villages de France en me croyant ailleurs. J’ai dormi sous une tente en m’imaginant au milieu d’un désert. Je me suis baignée dans une cascade d’eau translucide en me disant que je ne pouvais pas être mieux qu’ici.

C’était près, mais j’étais loin.

Et vous savez quoi ? Je n’ai croisé que des étrangers.

 

 

 

Article rédigé par Sophie Astrabie.