Lundi 11 mai, huit semaines de confinement prenaient fin. 

 

Le confinement, c’est quoi ?

 

C’est le discours d’Édouard Philippe dans un bar un samedi soir, et un patron qui vous offre son saucisson parce qu’après vous, il ferme.

C’est des bises suivies d’un “ouh putain merde j’y pensais plus”

C’est un exode rural mais dans l’autre sens, comme si on faisait demi tour parce qu’on a oublié les clés de la maison.

C’est des français pas contents de voir débarquer chez eux d’autres français parce que l’étranger est toujours plus proche quand les frontières se ferment.

C’est beaucoup de blagues sur Instagram.

C’est beaucoup de pain fait maison.

C’est plus trop de farine dans les rayons

C’est des cours de yoga, de guitare, de Grecs et de relaxation.

C’est la culpabilité de ne rien faire.

C’est pourtant le droit unique, pour une fois, de ne rien faire.

C’est le théorème de pythagore, l’accord du participe passé, les églises romanes et les églises gothiques.

C’est le programme de CE1 ou de 5ème.

C’est l’admiration pour les professeurs qui ont trente enfants à supporter. Sans les avoir faits.

C’est les attestations à l’imprimante.

C’est la pénurie d’encre.

C’est les attestations à la main puisque plus d’encre.

C’est les attestations à trou pour changer juste les dates au crayon à papier.

C’est les attestations sur le téléphone.

C’est des mètres carrés de réflexion.

C’est des “oui, mais lui, il a un balcon”.

C’est Anne-Sophie Lapix à la télévision.

C’est des applaudissements tous les soirs à 20 heures.

C’est des gerçures sur les mains.

C’est un mètre entre les gens qui se croisent. 

C’est des écrans entre les gens qui s’aiment.

C’est des rêves bizarres entre quelques insomnies.

C’est tout un tas de fabrications en carton. 

C’est l’évaluation des distances “tu dirais que c’est à plus ou à moins d’un kilomètre ?”

C’est les courses une fois par semaine.

C’est le courrier qui n’arrivent plus.

C’est les grands-parents au téléphone.

C’est les enfants dans les pattes.

C’est l’apparition de nouvelles collections : les coquillettes et le papier toilette.

C’est la découverte des pâtes “Tour Eiffel” à 5€ le paquet.

C’est se rendre compte que l’on peut vivre mieux, avec moins.

C’est avoir envie de changer de vie.

C’est avoir téléchargé une application pour prendre l’apéro.

C’est apprendre à ne pas tous parler en même temps.

C’est sauver ses poumons mais sacrifier son foie.

C’est ressortir une vieille machine à coudre et essayer de faire un masque.

C’est finir par ajouter deux élastiques à un bonnet de soutien gorge.

C’est découvrir que son menton est plus gros que ses seins.

 

C’est chacun sa propre expérience d’une chose vécu tous ensemble.

 

J’ai lu quelque part qu’il fallait 6 semaines pour prendre une habitude. Et c’est sans doute vrai car depuis lundi, on se sent un peu à côté la plaque. C’est presque comme avant mais ce n’est pas comme avant et rien au monde n’est plus frustrant que ce mot : presque.

 

C’est frustrant aussi parce qu’on ne sait pas vraiment à quoi on voudrait que ce déconfinement ressemble. On a à la fois peur que plus rien ne soit jamais comme avant et peur, que tout redevienne comme avant.

 

Il parait que 40% des français n’avaient pas envie de se déconfiner. 

 

Il y a même un syndrome qui existe sur le sujet. C’est le syndrome de la cabane.

Au tout début du XXè siècle, on utilisait ce terme pour parler des chercheurs d’or aux États-Unis qui partaient des mois durant, loin de leur famille, pour vivre dans des cabanes et trouver quelques pépites. Cette fois, c’est un peu différent. Certains se sont rendus compte que les pépites, elles étaient déjà dans leur maison. Sauf que leur maison, si elle pouvait être plus grande et avec un jardin, ça serait mieux. Car on a beau aimer les autres – soit parce qu’on les a choisis, soit parce qu’on les a faits – on les aime aussi pour ce qu’ils sont sans nous*.

 

Cette envie des choses simples et d’essentiel, on ne sait pas combien de temps ça va durer. Mais peut-être que dans 6 semaines, quand on aura repris certaines de nos habitudes, on saura.  

 

 

 

*lire le post de Camille Anseaume qui le dit bien mieux.

Article écrit par Sophie Astrabie