Chère petite fille,

Tu es née le 8 mars 2021. Quelle chance ! 

Tu nais dans un pays qui a tellement changé, grandi, évolué. Un pays surtout, qui continue de le faire chaque jour et même chaque seconde. Tu nais dans un pays où on comprend que “féministe” s’applique autant aux femmes qu’aux hommes et qu’il n’est pas réservé à Tata Sylvie parce qu’elle ose ne pas s’épiler les dessous de bras. Et qu’en plus, elle les lève pour s’insurger, ses bras. (Tata Sylvie… ❤️)

Tu nais dans un pays où l’expression garçon manqué ne fait plus sens, alors que moi, il faisait ma fierté. Une fille garçon manqué. Quelle drôle d’idée quand on y pense. À mon époque (ça y est j’ai 1000 ans), être une fille c’était un fait, mais aussi, souvent, un défaut. Si on disait à un garçon qu’il courait comme une fille, ce n’était pas bon signe. Si on disait à un enfant, ne fais pas ta fille, ce n’était pas terrible non plus.

Alors quand je courais dans les champs à toute vitesse, quand j’étais pleine de boue et que j’attrapais des petits lézards devant le regard dégoûté de mon cousin, j’étais fière. Fière de fuir mon statut, fière de combattre la fatalité. J’avais manqué l’opportunité d’être un garçon, mais je pouvais me rattraper. Je faisais mon garçon.

Tu nais dans un pays où on réfléchit au poids des mots. On dit autrice comme on dit factrice, lectrice, institutrice et cela surprend de moins en moins. Car les mots n’ont pas vocation à être beau. Ils doivent juste transmettre une idée. Et tu peux écrire des livres comme poster des lettres.

Un pays aussi qui réfléchit aux emplacements des choses même de celles qui ont toujours été. Un terrain de foot au milieu d’une cour de récréation. Une mère auprès d’un nouveau né pendant dix semaines et un père au travail dès le onzième jour de vie. Les choses finalement, peuvent être décalées ou allongées.

Tu nais dans un pays où il est évident que tu pourras voter, avoir un compte en banque, un travail et un salaire. Tu passeras ton permis sans te douter que ton arrière grand-mère ne conduisait pas car ton arrière grand-père pensait que les femmes ne savaient pas conduire. 

Tu nais dans un pays où tu pourras décider de ne pas avoir d’enfant ou bien d’en avoir avec de l’aide si c’est difficile. Tu pourras épouser un homme ou bien une femme. Ou bien personne.

Tu nais dans un pays où on dénonce l’absence des femmes à la télé et où on mesure leur temps de parole dans les médias pour l’équilibrer. Tu nais dans un pays qui réfléchit comment réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes et augmenter le nombre de femme dans les comités de direction.

Un pays où il y a un ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un pays où le problème des féminicides est enfin sorti du silence et qui tente de trouver des solutions pour qu’un jour, ce chiffre n’existe plus. 

Tu nais dans un pays où tu peux mettre un pantalon ou une mini-jupe. Un pays où on se révolte que ta grande-soeur lycéenne soit renvoyée chez elle pour se changer et cesser de distraire les garçons avec son crop-top.

Tu nais dans un pays où il ne faut plus souffrir pour être belle. Un pays où se maquiller ce n’est pas être frivole et ne pas se maquiller ce n’est pas être négligée.

Tu nais dans un pays où on cherche des solutions pour réparer les inégalités que d’autres générations avant les nôtres ont créées. Un pays où des femmes et des hommes se sont battus et continuent de se battre pour que les mentalités changent et que tu puisses naître libre, forte et en sécurité.

Tu nais et tu es une petite fille parfaitement réussie. On est le 8 mars 2021 et tu nais dans un pays qui tente d’être à la hauteur de ta valeur. Et si un jour quelqu’un te dit que c’était mieux avant, surtout, ne le crois pas. C’est mieux maintenant, dans ce monde avec toi dedans.

 

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Comme chaque jour en France, environ 1 000 petites filles sont nées ce lundi 8 mars 2021, Journée internationale des droits des femmes.

À cette occasion, Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, lance l’opération 1000 Possibles. Cette campagne vise à inspirer ces 1 000 petites filles à naître en leur donnant à voir tous les possibles qui s’offrent à elles. Pour ce faire, près de 100 femmes françaises inspirantes d’aujourd’hui ont été invitées à leur écrire une lettre. Parmi elles, Aurélie Jean, scientifique numéricienne et entrepreneure, Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi, « business angel » et co-fondatrice de Sista, Estelle Nze-Minko, handballeuse, championne du monde 2017, Géraldine Dormoy, journaliste et autrice, Nathalie Roret, avocate pénaliste…

 

Pour lire ces 100 lettres, c’est par ici !

 

 

 

 

 

Article rédigé par Sophie Astrabie.

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