Quelques jours avant le confinement, j’ai pris ma procrastination par la main et je suis allée à la mairie pour régler une histoire de carte d’identité périmée depuis 3 ans. Ce jour-là, la dame qui me reçoit me dit :

 

– C’est bien que vous veniez aujourd’hui car lundi on sera fermé.

– Ah bon ?

– Et bien oui, vous voyez, les écoles ferment et on est un service de mamans…

 

Je me suis demandée si quelque part en France, il y avait un service de papas qui se trouvait bien embêté.  Réponse :  je ne crois pas.

Pour la simple et bonne raison que pendant la crise sanitaire, une de mes amies qui travaille dans l’automobile a vu son patron rassuré par la situation. Il l’a dit lui même, “le télétravail ne sera pas un problème, chez nous, il n’y a que des hommes.”

Ce qui est étrange vous en conviendrez, car un papa et une maman à priori, ont le même nombre d’enfants : la somme de ceux qu’ils ont fait ensemble.

Ce qui est doublement étrange, c’est que le taux d’emploi chez les femmes et chez les hommes est aujourd’hui sensiblement le même et qu’une partie de l’écart qui persiste, est dû à une génération de femmes au dessus de la nôtre. Une génération de femmes qui a dû attendre la loi du 13 juillet 1965 pour avoir le droit d’occuper un emploi sans l’autorisation de leur époux. Ou du moins, une génération de femmes issue de cette génération là. 

Car en réalité, ce que l’on oublie souvent, c’est que nos mères, sont la première génération de femmes “travailleuses”.  Avant cela, la norme, c’était d’être “mère au foyer”. Ou bien “d’aider”, en boutique ou dans les champs.

J’y pense souvent quand je me plonge dans mes souvenirs d’enfant et que je revois ma mère, jongler entre la cuisine, le ménage, la lessive… et son boulot à temps plein. Comment faisait-elle ? Comment faisait-elle, pour ne pas prétendre devoir sortir acheter une plaquette de beurre, et en profiter pour ne jamais revenir ?

Mystère. Mystère et courage aussi, c’est vrai.

Nos mères ont été cette transition. Une génération sacrifiée. Une génération de femmes qui pensent qu’il est normal d’assumer les tâches domestiques parce que c’était le devoir de leur mère, mais qui veulent aussi travailler car c’est un droit fragile qu’il ne faut pas laisser filer des mains de leur fille. Alors elles reproduisent le passé tout en essayant d’écrire un nouvel avenir.

Alors évidemment, il leur a été difficile de gagner ces deux courses qui partaient en même temps, mais pas au même endroit. “En France, à poste égal, les femmes sans enfant gagnent 0,4 % de moins que les hommes. En revanche, celles qui ont eu au moins un enfant gagnent 12,4 % de moins que les hommes.” (Source, Le Parisien)

Comment ne pas penser que le travail des femmes est moins important si celui-ci est moins bien rémunéré ? Pourquoi devons-nous toujours penser à la mère derrière la femme quand personne ne voit un père derrière chaque homme ?

L’autre jour, je lisais un article où le journaliste posait cette question à une jeune maman entrepreneuse “Comment allez-vous faire, maintenant que vous êtes maman ?”. Je me demande combien de fois cette question a été posée, mais en changeant simplement le dernier mot : “Comment allez-vous faire, maintenant que vous êtes papa ?”. De manière générale, combien de fois les hommes sont des pères aux yeux des autres, pour les contraintes que cela représente ? En ne nous inquiétant pas de leurs contraintes, nous nions l’existence de celles-ci. Surtout, nous les empêchons d’exister. 

Alors dimanche fêtons les pères, ceux qui partent du bureau à 15 heures pour un 39.2°, ceux qui se lèvent la nuit pour une fausse alerte, ceux qui pensent aux écharpes et au manteau quand ça se refroidit. Fêtons les pères mais surtout demandons leur souvent “comment ils font pour tout gérer depuis qu’ils sont papa”.

 

 

Article écrit par Sophie Astrabie