Mon premier acte de rébellion dans la vie, ça a été la religion. Je devais avoir six ou sept ans et j’ai refusé d’aller au catéchisme. Je voulais faire valoir mon libre arbitre vous comprenez… ou bien c’était juste en même temps que les Minikeums, je ne sais plus.  Privilège de petite dernière, mais finalement quand on est deux, ça arrive plus vite qu’on veut bien le croire, ma famille a cédé. Je ne suis pas allée au catéchisme, je n’ai pas fait ma première communion et donc, je n’ai aucune idée du goût d’un hostie. Frustration d’une vie. 

En terminale, mon professeur d’économie nous a fait remarquer que la religion était partout, dans la sociologie comme dans l’économie et qu’il fallait donc, croyant ou pas, en maîtriser les codes pour comprendre notre société. Ça a été un vrai choc, à tel point que j’en ai même commencé la lecture de la Bible. En tout cas, la première page.

Si à 18 ans je tombais des nues face à cette affirmation, aujourd’hui, il m’est impossible de ne pas voir à quel point elle est vraie : la religion est à la base de notre culture. À commencer par le déséquilibre structurel qu’il peut y avoir entre les femmes et les hommes.

D’où peut-il venir ? Et bien peut-être de la religion.

Car rappelons nous ceci : Dieu a créé l’homme à partir de la poussière de la terre qu’Il façonna à son image puis Il s’est dit : 

Tiens, et si je lui trouvais une compagne ? Zut, c’est que… je viens juste de me laver les mains moi. Bon… allez une côte d’Adam et ça fera l’affaire.

Oui c’est vrai, ce ne sont peut-être pas EXACTEMENT ses mots… En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’Il a ensuite créé Ève. Ève qui est donc née à partir d’un homme.

Et puis évidemment, cette histoire de pomme. Ève qui goûte le fruit défendu avant de le tendre à Adam, laissant derrière elle la moitié de l’humanité fautive. Si Ève avait eu un bulletin scolaire, alors de toute évidence nous aurions pu y lire ces mots : Ève. Généreuse. Pleine de bonnes volontés. Mais quelques problèmes d’attention… Il faudrait écouter les consignes !”.

Il y a quelques jours je me questionnais sur ce sentiment permanent de culpabilité qui m’habitent et qui, me semble-t-il, habite particulièrement les femmes. En écrivant ces lignes, je me questionne. Ne viendrait-il pas de là après tout ? N’avons-nous pas une dette infinie envers les autres à cause de ce texte qui, ne l’oublions pas, a éduqué les populations pendant des siècles et des siècles ?  Nous ne le saurons jamais.

Si je vous parle de cela dans cet article, c’est surtout parce que hier, c’était le premier jour du Carême. Le Carême, c’est 40 jours durant lesquels les croyants se recentrent sur leur foi en supprimant le superflu de leur vie. Il y a le jeûne pour certains, une alimentation plus frugale pour d’autres mais dans tous les cas, il est question d’un certain détachement des biens matériels.

Et j’ai trouvé cela intéressant, cette “restriction” volontaire, dans un monde où Amazon détruit tout sur son passage à cause d’une seule option : la livraison au lendemain. 

Nous, pays riche et (sur)développé, qui vivons dans un monde d’opulence et d’immédiateté… pouvons-nous nous restreindre ? Car de toute évidence nous sommes des enfants gâtés, peu habitués à la frustration. Et qu’arrive-t-il aux enfants gâtés, si ce n’est qu’ils ne connaîtront jamais le goût de l’hostie ? Un problème permanent d’insatisfaction, une lassitude de plus plus rapide, une indifférence à l’exceptionnel.

J’avais lu quelque part qu’il faut 6 semaines pour créer une habitude. Peut-être faut-il 40 jours pour s’en séparer d’une. Croyant ou pas, le Carême serait peut-être l’occasion parfaite pour se priver d’une (mauvaise) chose et se reconnecter, si ce n’est à Dieu, au moins à soi.

 

LISTE DES “RESTRICTIONS” POSSIBLES PENDANT 40 JOURS :

 

Laisser son téléphone à l’extérieur de sa chambre.

Pas de réseaux sociaux avant 17h.

Pas de métro s’il n’y a que deux arrêts.

Arrêter de fumer.

Ne pas acheter des vêtements.

Ne pas acheter de plats cuisinés.

Stopper l’alcool, la viande, les fruits et les légumes non français.

Arrêter le sucre et les tomates en février.

Ne plus boire de café.

Ne plus commander sur Internet.

Ne plus se rendre dans les centres commerciaux.

 

À vous d’écrire votre « jeûne » . Vous avez 40 jours.

 

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Mise à jour : une nouvelle traduction de la Bible plus récente, modifie cette idée, cette perception de « l’homme avant la femme ». Un article très intéressant est d’ailleurs à lire ici. Mon article ne pointait du doigt que l’ancienne traduction qui a pendant longtemps été la seule et unique, et qui a donc influencé inexorablement notre culture. Enfin, mon article ne critique jamais la religion en elle-même. Humour et respect fonctionnent très bien ensemble. 🙂

 

 

 

Article par Sophie Astrabie.