Quand j’ai demandé à ma grand-mère ce que c’était d’être femme à son époque, elle m’a parlé de son village, du collège que ses parents ne pouvaient pas lui payer car il fallait être pensionnaire. Elle m’a parlé de ses réveils à 1 heure du matin pour aider son père à mouler les pains à la boulangerie. De sa soeur qui elle, se réveillait à 3 heures pour faire pareil. Et puis de leur départ, ensemble à 8 heures, pour aller à l’usine. À la filature. Je lui posais des questions et elle faisait que me répéter qu’elle n’avait rien, comme si elle ne savait pas de quoi me parler. Comme si le vide empêchait d’expliquer.
Très vite pourtant, le mot « pilule » lui a échappé. La pilule vraiment, quel changement raté dans la vie de ces femmes. Ça s’est joué à quoi finalement, la liberté ? 5 ans ? 10 ans ? Ma grand-mère m’a dit, je savais comment on tombait enceinte. Je savais qu’en faisant l’amour il y avait un risque, mais je ne savais pas exactement à quel moment cela pouvait arriver. Il a fallu que je tombe enceinte de ta mère pour qu’une sage-femme m’explique le principe des cycles. À 24 ans donc.
Mais sinon, rien vraiment, être une femme, aucune différence.
J’ai eu du mal à lui faire répondre à mes questions, car pour elle tout était normal, il n’y avait pas de sujet. Être une femme ou un homme, cela ne changeait pas grand chose. J’ai insisté avec la pudeur d’une petite fille face à sa grand-mère. J’avais peur de lui ouvrir les yeux. J’avais peur de la blesser.
« Et après, Mamie ? Tu as fait quoi ? »
« Après ? Et bien rien, Papi ne voulait pas que je travaille. »
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Laurence, 62 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
Je pense qu’en devenant « une femme » mon objectif principal était d’être indépendante ! Et donc de faire des études supérieures pour avoir un job qui permette de ne pas dépendre de son mari. J’ai longtemps juré que jamais je n’arrêterai de travailler…mais la vie a fait que je n’ai pas tenu ma promesse !
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
J’avais la sensation qu’être fille était moins « bien » que d’être un garçon. Qu’une fille avait plus de contraintes, moins de libertés, qu’une fille avait moins d’importance dans la société…
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Je pense que notre époque était peut-être plus gaie, plus insouciante… On trouvait du boulot plus facilement, on se posait moins de questions quant à notre avenir.
Mais en tant que femme , je préfère l’époque actuelle parce qu’il y a eu tellement d’évolutions dans la seconde moitié du 20ème siècle, et cela continue. Je trouve que les femmes sont beaucoup plus respectées et j’aime cette égalité hommes-femmes (ou presque)
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
Surtout cet esprit d’entreprise et cette volonté très présente de faire ce que vous avez envie de faire et de mettre les moyens pour y arriver. Nous étions beaucoup plus influencées par les expériences et les souhaits de nos parents par exemple.
Et dans la vie de tous les jours, cette répartition des tâches entre les hommes et les femmes !
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
Sans aucun doute la contraception et le droit à l’avortement.
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Isabelle, 84 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
La mise en place de la vie familiale, l’attente des bébés qui allaient venir, on ne savait jamais quand car on ne se protégeait pas. Mais pour moi tout ça se faisait dans le ravissement, j’étais à ma bonne place.
Quelque chose te révoltait quand tu étais jeune ?
Non car j’étais appliquée à aller là où on me menait. Je n’avais pas l’idée d’une révolte.
Je ne me suis jamais autorisée à me questionner, à avoir une pensée personnelle. Même les prénoms de mes enfants je les donnais pour faire plaisir à mes vieilles tantes !
Et puis quand tu me parles de jeunesse, à mon époque ça ne voulait rien dire. À 20 ans tu étais adulte, tu te mariais et tu avais des enfants. Avant 20 ans tu étais encore enfant chez tes parents. L’idée de jeunesse comme aujourd’hui n’existait pas.
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Votre époque est nettement mieux ! Il y a un telle ouverture, une capacité à prendre des décisions.
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
J’envie cette analyse que vous êtes capables de faire votre vie, les choix que vous savez faire en toute conscience.
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
Sans hésitation le droit de travailler, sans autorisation, seules, indépendantes. Quelle chance : se mettre au boulot, avoir une aventure professionnelle choisie, décidée et la mener à bien. A mon époque, il n’y avait que le mari et les enfants.
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Birgitta, 75 ans, (suédoise).
C’était quoi être femme à ton époque ?
Pour ce qui est de la famille, personne ne pensait que le fils de la famille devait aider dans la cuisine quand j’étais enfant !
Il y avait moins de criminalité, donc on n’avait jamais peur de rentrer après avoir été danser le rock le soir, ou vu des amis…
À l’époque, on se mariait et on avait des enfants tôt. Personne ne pensait que le père pourrait peut-être poser sa journée pour s’occuper de son enfant malade ou demander à travailler à temps partiel. Les salaires n’étaient pas égaux pour la même profession et il y avait une grande différence entre les métiers masculins et féminins (c’est qui n’est plus le cas aujourd’hui en Suède).
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
Non, je n’étais pas révoltée !
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Mon époque.
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
Je vous envie vos opportunités d’éducation. Il n’y a plus de frontières, vous avez accès au monde entier.
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
La plus belle avancée c’est que aujourd’hui une personne est jugée et appréciée uniquement par rapport à ses qualité et ses connaissances indifféremment de son sexe ou de son apparence physique.
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Régine, 61 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
C’était assez dynamisant. Il fallait à la fois gérer sa vie professionnelle avec des semaines de travail chargées (la semaine était de 40 heures au début de ma carrière) et la vie personnelle et familiale. La gestion de la maison, des enfants et l’épanouissement personnel : sport, sorties… Une vie à 100 à l’heure. Et pour ma part, sans vraiment d’aide de mon conjoint. Donc parfois, une grande fatigue physique et nerveuse.
Le féminisme était en marche, on avait déjà obtenu beaucoup d’améliorations par rapport à nos mères. Le droit de gérer notre vie comme on l’entendait. Pour ma part j’ai mené une vie qui m’a beaucoup plue, j’étais libre, je décidais et je vivais dans un beau pays.
Peut-être suis-je un peu naïve, mais ma vie, je l’ai décidée.
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
Oui, c’était l’autorité parentale qui était assommante dans ma famille. Les discussions et les échanges qui n’aboutissaient pas, étant donné que mon père avait toujours raison. Donc on se taisait.
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Ce n’est pas aussi tranché que ça. Il y a de bonnes et de moins bonnes dans les deux. Ce qui était bien à notre époque, c’est l’insouciance et la liberté. Le point fort de votre génération, je dirais que c’est Internet et le développement des transports à bas prix.
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
La liberté d’étudier ou de travailler dans d’autres pays et celle de voyager sans se poser trop de questions. En résumé c’est la mobilité. La possibilité de tout remettre en question, sans le jugement des parents. La liberté de la parole au sein de la famille aussi, et d’aborder n’importe quel sujet.
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
La possibilité de décider de sa sexualité : pilule et avortement.
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Claudine, 88 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
C’était très agréable.
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
Les persécutions raciales et la guerre me révoltent toujours.
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Malgré tout la mienne !
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
La décontraction et le partage dans le couple.
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
La contraception.
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Judith, 72 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
Personnellement je ne pense pas que tellement de choses aient changé pour les femmes. Au niveau carrière, accès aux postes supérieurs, accéder au monde politique… oui un peu, mais l’égalité des salaires, on en est loin. Les femmes assument toujours la majorité des tâches ménagères et les soins aux enfants.
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
Le fait qu’une femme avait forcément besoin d’un homme pour exister… Au niveau juridique, certains documents devaient obligatoirement être co-signés parle mari. C’était agaçant. Une fois, en revenant d’Iran, mon chéquier bancaire avait été imprimé au nom de mon époux : Mme Philippe XXX. La dame qui s’occupait de mon compte n’a pas compris que je refusais de l’utiliser.
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Actuellement il y a davantage d’inquiétudes pour la planète et les solutions proposées sont plutôt timorées. On a gagné Internet qui est énorme, mais beaucoup perdu en vulnérabilité de la vie privée et l’exploitation de nos données personnelles.
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
Pas énormément de choses. Il vous est plus difficile de vous faire embaucher et vous devez travailler bien plus longtemps pour avoir une retraite convenable.
La plus belle avancée dans le droit des femmes ?
Le droit de vote, (une génération plus tard en France, qu’en Grande-Bretagne).
Le droit de disposer de son corps, Mme Veil aidant.
Le droit de disposer indépendamment de sa signature. Il a été dit que sa signature est la chose la plus précieuse que nous possédons.
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Nicole, 90 ans
C’était quoi être femme à ton époque ?
À 20ans c’est pouvoir se marier pour sortir de la tutelle de ses parents sans penser une seconde, s’aliéner à la volonté de son mari.
Quelque chose te révoltait, te déplaisait quand tu étais jeune ?
Non tant que je n’ai pas eu d’enfants – mais ils sont venus très vite. Je me sentais libre et heureuse en plus avec l’attrait du voyage.
Tu préfères ton époque ou la nôtre ?
Avec le recul, je crois que la période actuelle est plus enrichissante. Je trouve les jeunes femmes plus affirmées et participatives à la vie sociale et politique. Nous, notre degré d’implication était de zéro.
Qu’est ce que tu envies à notre génération ?
J’envie beaucoup la place que vous prenez dans la société, son évolution à laquelle vous participez naturellement en n’étant plus considérées comme des féministes enragées. Ce que j’admire chez les jeunes femmes d’aujourd’hui c’est le droit de s’exprimer et de pouvoir être l’égale des hommes dans les différentes professions (sauf le salaire peut-être) et de s’assumer pleinement.
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J’ai hésité à appeler ma grand-mère. Je me suis dit qu’elle ne comprendrait pas vraiment mes questions et c’est vrai, elle n’a pas vraiment compris mes questions. Mais qu’importe. On a parlé de sa vie d’avant et c’est surprenant la manière dont on arrive à obtenir des informations inédites en posant des questions que l’on n’a jamais osé poser. Combien de fois dans leur vie, ces femmes ont été questionnées sur ce qu’elles pensaient vraiment ? Sur ce qu’elles ressentaient ? Ou tout simplement sur leur avis ? Ces femmes, une génération de résignées, de silencieuses, parfois même de soumises.
Appelons-les et demandons leur de nous raconter : C’était quoi être femme à ton époque ?
Article rédigé par Sophie Astrabie.
Propos recueillis par l’équipe du Curiosity Club.
Illustration par @gomzillustrations займы онлайн без проверок срочно круглосуточно