On vous en parlait dans la newsletter du 4 juillet, Ursula von der Leyen est la première femme à occuper le poste de présidente de la Commission européenne. Cette semaine, on apprend que son élection, est loin d’avoir été une évidence. Avec 383 voix pour, 327 voix contre, 22 abstentions et 1 nul, sa nomination ne fait clairement pas l’unanimité.

Mais bon, ce n’est pas très grave, si ? Après tout, Ursula a son poste. Et quel poste, n’est-ce pas ? Un poste de rêve dans une institution qui va si bien. 

Pour rappel : la fonction principale de la Commission européenne est de proposer (pouvoir législatif) et de mettre en œuvre les politiques communautaires (pouvoir exécutif). Autrement dit, la commission c’est l’Europe.

Vous voyez, une prof de musique devant une classe de 751 élèves qui n’auraient pas assez dormi, auraient mangé trop de sucre et se pointeraient aléatoirement parce que bon, la musique, c’est pas le plus important hein. Et bien le boulot d’Ursula, à quelque chose près, ça va être ça.

Du coup, cette nomination de justesse, mais cette nomination quand même au sommet d’une Europe en crise, ça nous a rappelé quelque(s) chose(s).

Par exemple Theresa May, la première Ministre britannique qui a démissionné en mai dernier. Que pourrions retenir d’elle ? Les critiques à son égard ? Ses difficultés à prendre des décisions ? Le Brexit qui ressemble surtout à un interminable Brestay ? Ce serait facile effectivement.

Mais on vous propose de vous souvenir d’une autre chose : Theresa May est une femme qui est “arrivée au pouvoir après un référendum provoqué par un homme (David Cameron), gagné par un autre (Boris Johnson) et qui s’empressèrent tous les deux de démissionner/disparaître (en chantonnant) au lendemain du scrutin”* (on vous supplie de cliquer sur le lien du mot “chantonnant” on ne s’en remet toujours pas.)

Autrement dit, Theresa May a pris le pouvoir dans des circonstances périlleuses, à un moment où personne n’en voulait car l’échec était couru d’avance. Et ça, ça s’appelle le “Glass cliff” ou la falaise de verre en français. Ce phénomène a été démontré par trois études universitaires (2 travaux anglais + un d’Harvard) mais c’est Michelle Ryan et Alexander Haslam qui sont à l’origine de ce concept. Pour eux,  il y a un lien évident entre complexité des situations et arrivée des femmes aux commandes.

Ce phénomène ne s’arrête pas à au monde de la politique. Il y a aussi Patricia Russo chez Alcatel-Lucent, Marissa Mayer chez Yahoo!, ou encore Mary Barra chez General Motors. On vous laisse jeter un oeil. 

Il y a le plafond de verre et puis, la falaise de verre, donc.

 

Deux choses nous dérangent dans cette histoire.

La première, c’est le contexte et l’état d’esprit actuel qui montre que les femmes sont contraintes d’accepter les postes que personne ne veut (=les hommes) si elles souhaitent accéder à des postes à responsabilité. Cette idée nous donne une impression de « prêtes à tout » qui n’est nullement valorisante ni pour la femme en question, ni pour les autres.

La deuxième chose, ce sont les conséquences de cette falaise de verre dans l’inconscient collectif. La conclusion hâtive d’une population spectatrice de ces évènements serait de se dire que les femmes au pouvoir échouent davantage que les hommes.

Et cette croyance, viendra nourrir notre point numéro 1 : quand on a rien a perdre, autant tenter de mettre une femme.

 

On pense que parler de ce phénomène, c’est déjà (un peu) le détruire.

Alors, on pense à vous Ursula von der Leyen et on est conscient.e du contexte dans lequel vous avez été déposée sur le toit de l’Europe.

 

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Pour aller plus loin : « Les femmes sont-elles promues quand ça va mal? », Le Monde, 12 juillet 2016

*lire aussi Time To Sign Off du 24 mai 2019.