Annabelle a toujours été attirée par le milieu médical mais l’idée d’être médecin l’impressionne. En classe de seconde, lors d’un forum d’orientation, elle rencontre une sage-femme. Et c’est un véritable coup de coeur. Cependant, par manque de confiance en elle, elle redoute d’entreprendre une première année de médecine nécessaire pour accéder à l’école de sage-femme. Heureusement, son entourage l’encourage et la motive. Annabelle se lance, valide sa première année de médecine et intègre une école de sage-femme pour les quatre années du cursus.

À la sortie de ses études, Annabelle choisit l’hôpital car elle aime l’idée du travail en équipe tout comme la formation continue qu’offre cette structure. L’hôpital c’est aussi un moyen de gagner en assurance. Chaque matin, lors de la réunion d’équipe, il y a potentiellement de nouvelles situations, des cas particuliers pour lesquels il faut se creuser la tête et des échanges avec les médecins.

Dix ans plus tard, Annabelle a toujours la même envie de faire des gardes et des accouchements. 

Car les accouchements, Annabelle adore ça. Pour elle, c’est toujours un moment incroyable où elle accompagne un couple dans la plus belle étape de sa vie. Même si elle est désormais habituée, même si elle en fait une centaine par an, Annabelle ressent toujours de l’émotion, beaucoup d’humanité et une poussée d’adrénaline dans cette gestion de l’urgence.

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Son métier depuis le Covid-19.

Ce virus, c’est l’inconnu. Avec son apparition en France, commence alors une phase d’adaptation pour les sages-femmes comme pour les médecins. Certaines choses faites au début du confinement ne sont pas celles qui ont été faites par la suite.

Annabelle et les autres sages-femmes avec qui elle travaille n’ont pas eu d’information strictement médicale au sujet du coronavirus. Le sujet était plutôt de savoir comment s’organiser : comment accueillir les femmes à l’hôpital ou comment s’habiller pour recevoir une patiente porteuse. Cela semble simple mais en réalité, cela prend beaucoup de temps.

Quand Annabelle accueille une patiente qui présente des symptômes, elle en réfère d’abord à un médecin. Si cette femme semble effectivement porteuse du Covid, alors Annabelle effectue un prélèvement (une PCR – Polymerase Chain Reaction) afin de tester la quantité de virus circulant dans le corps. C’est parce que le virus est présent dans la sphère ORL que ce prélèvement se fait à l’aide d’un écouvillon dans le nez. Au début, quand Annabelle ne savait pas encore comment s’habiller ou faire un prélèvement, elle était stressée. Mais une fois formée, pour elle, il s’agit simplement d’un protocole à respecter. Surtout que Annabelle le dit ; l’hôpital n’a jamais manqué de matériel pour protéger ses soignants.

En temps normal, Annabelle accompagne une patiente du début de sa grossesse à la fin de celle-ci grâce à des rendez-vous de contrôles mensuels. Si l’accouchement se passe bien, c’est elle qui s’en charge. 

Depuis le 17 mars, les consultations de suivi de grossesse ont été maintenues mais les patientes viennent seules, sans leurs conjoint.es. À l’hôpital Robert Debré, une patiente positive au Covid sera prise en charge avec un processus adapté pendant 28 jours après le début des premiers symptômes.

Dans le service maternité de l’hôpital Robert Debré, il a été décidé qu’une “sage-femme journée” et une “sage-femme nuit” seraient ajoutées à l’emploi du temps “classique”, afin qu’elles se consacrent essentiellement au Covid. Ainsi, le risque que le virus se déplace via une sage-femme qui naviguerait entre les services est réduit à 100%.

La chose qui a le plus angoissé Annabelle, c’est la perspective qu’elle, soignante, puisse être porteuse et transmettre le virus à des patientes. Car bien sûr, il y a des femmes qui ont été découvertes positives, seulement dans un second temps.

En plus de son emploi du temps normal, Annabelle a donc fait des gardes Covid. Dans les faits, les choses ne changent pas vraiment. C’est surtout l’équipement qui est différent lorsqu’il est question d’une patiente covid+. Le masque, les lunettes, la visière, la casaque chirurgicale…  Annabelle trouve cela parfois difficile car les accouchements sont beaucoup moins chaleureux. Surtout, elle doit faire un effort pour ne pas mettre de distance entre elle et la patiente. Elle doit veiller à voir la femme avant de voir le virus, car les mesures d’hygiène sont si lourdes qu’elles peuvent parfois détourner du vrai sujet : une femme est sur le point de donner la vie. Or une relation de confiance est nécessaire pour la guider dans l’accouchement.

Ce qui est difficile, mais pour les patientes cette fois, c’est que les conjoint.es ne sont présents qu’en salle de naissance. Ensuite, ils ne peuvent pas rester dans les chambres. Les mamans affrontent donc seules le chamboulement des premiers jours de vie de leur enfant.

Il y a aussi les grossesses pathologiques. Ces femmes hospitalisées pour diverses raisons (risque d’accouchement prématuré par exemple) et qui restent un, deux mois sans la moindre visite. En plus, les psychologues ou les assistantes sociales ont aussi diminué leur activité. Elles ne passent presque plus dans les chambres de ces femmes hospitalisées qui ont pourtant, plus que jamais besoin de cette rencontre physique. Beaucoup de séances se font par téléconsultation.

L’hôpital Robert Debré est un hôpital pédiatrique. Le seul service adulte est donc la maternité. De fait, là-bas, les urgences sont des urgences n’accueillant que des femmes enceintes. Au plein coeur de la crise, l’hôpital a été obligé d’ouvrir deux secteurs supplémentaires pour accueillir la vague des patients venant d’autres établissements débordés. 

  • Un secteur de réanimation dans lequel les patient.es sont intubé(e)s et sous assistance respiratoire. 
  • Un secteur post réanimation, avec des patient.es en détresse respiratoire mais ne nécessitant pas une assistance permanente.

En plus de ces deux secteurs, tout une aile de l’hôpital était réservé aux patientes COVID qui allaient bien.

Annabelle me rappelle que les sages-femmes sont les spécialistes des accouchements qui se passent bien. Pendant la crise, elles ont donc des informations supplémentaires à venir chercher auprès des médecins, pour s’adapter à des accouchements qui sortent de l’ordinaire. 

Chaque matin, seul un médecin fait le tour des patientes présentes dans le premier secteur, le plus sévère. Puis vient le tour du deuxième secteur, cette fois le médecin est accompagné de la sage-femme Covid. Une fois ces deux tours terminés, lorsque Annabelle endossait le rôle de la sage femme Covid, elle retourne au service maternité, faire le tour de ses patientes hospitalisés. En plus de tout cela, elle peut être appelée aux Urgences si une patiente Covid se présente. 

Pendant toute notre conversation, Annabelle a parlé au passé. Quand je lui fais la remarque, elle me dit que l’hôpital n’a plus qu’une seule patiente Covid. Difficile de savoir s’il y aura une deuxième vague. Ce qui est sûr, c’est que la première est passée.

 

 

 

Propos recueillis par Sophie Astrabie.