Apolline

Apolline dit avoir le parcours de beaucoup d’infirmières. Comme elle aime beaucoup les enfants, elle décide de choisir un métier qui lui permet de travailler avec eux : puéricultrice. Ce cursus consiste à valider une formation d’infirmière (3 ans) et de continuer en obtenant un diplôme au terme d’une quatrième année. Mais à la fin de ces trois années et après avoir fait plusieurs stages mais aucun en relation directe avec les enfants, Apolline n’est plus très sûre de son choix de départ. Elle se rend compte qu’elle aime particulièrement les soins techniques : prise de sang, perfusion, sonde urinaire, etc. Et qu’elle aime aussi quand ça bouge, quand elle est dans l’action et que le temps passe vite car les journées à l’hôpital sont longues. Alors infirmière, c’est fait pour elle.

Elle commence par un premier poste en ortho gériatrie, une manière d’apprendre un maximum de choses de son métier sur le terrain puisque les personnes âgées sont polypathologiques. Après deux ans et demi dans ce service, elle décide de faire des vacations dans plusieurs hôpitaux et services afin de gérer elle-même son emploi du temps. Et puis en octobre 2019, elle souhaite découvrir un nouveau pan de son métier. Elle postule donc pour un poste d’infirmière en cancérologie dans un hôpital privé. C’est ce poste qu’elle occupe encore aujourd’hui. 

 

 

 

 

Son service, ce sont des soins de suite en oncologie. Autrement dit, un service qui accueille les patients pendant ou après les cures de chimiothérapie afin d’assurer leur suivi/surveillance mais également de les rassurer. Apolline est donc recrutée  et apprend au jour le jour au contact de ses patients. 

Apolline s’en doutait en acceptant ce poste, mais elle s’aperçoit rapidement que l’oncologie est un service difficile et éprouvant tant physiquement que émotionnellement. En effet, bien que prévenu par son chef sur les statistiques de mortalité, elle ne pensait pas côtoyer la mort si souvent. C’est pourquoi son hôpital met à la disposition, des patients comme du personnel soignant, un psychologue qui intervient régulièrement. 

Voilà son quotidien avant le Covid. 

 

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Au début de l’épidémie, des cellules de crise ont été mises en place. En premier lieu l’hôpital ne devait pas recevoir de patients Covid mais libérer des lits pour accueillir des patients de L’AP HP et ainsi permettre une meilleure prise en charge des patients critiques (ce qu’ils ont appelé le PLAN BLANC). Puis très vite l’hôpital a dû s’adapter et fermer des services de chirurgie et d’endoscopie pour finalement ouvrir trois unités Covid.  Rapidement le stress se diffuse dans les couloirs, le personnel soignant est de plus en plus tendu et l’organisation met un peu de temps à prendre forme par manque de matériel. Néanmoins, très vite, l’hôpital met en place un process Covid : un circuit dédié aux patients Covid avec une entrée spécifique, un ascenseur et trois étages entiers qui leur sont réservés. Les échanges entre le service Covid (patients comme soignants) sont interdits avec le reste de l’hôpital. Les patients en cancérologie sont confinés dans leur chambre et ne peuvent plus recevoir de visite. 

 

Il n’est plus question de mélanger les malades, le virus est trop contagieux. Sur la base du volontariat, des soignants sont choisis pour passer dans l’unité COVID. Ils seront formés rapidement pour être opérationnels.

 

Sur les services initiaux de l’hôpital, il ne reste plus que la cancérologie. Tout le reste est consacré au Covid. Le personnel a dû réagir rapidement à cette nouvelle organisation, Apolline a notamment participé à la restructuration de son service, à savoir un patient par chambre (en raison des mesures barrières), des réajustements au niveau du matériels et des horaires. Suite à la fermeture de leur service, des soignants ont du se former rapidement aux spécificités des services de cancérologie. Quand Apolline forme les autres infirmiers à sa spécialité, elle remarque dans leur visage une certaine appréhension : comment assimiler tout se savoir en peu de temps ? 

 

Désormais, plus rien ne ressemble vraiment à l’hôpital qu’elle a connu. Il y a une entrée “covid”, un ascenseur “covid”, il n’y a plus de chambre doubles pour éviter les contagions, les déplacements sont interdits dans les “zones covid”, les opérations sont décalées afin de prioriser le Covid. Un service de réanimation a été “fabriqué” car, l’hôpital n’en possédait pas.

Beaucoup de cliniques ferment afin que les soignant viennent aider dans les hôpitaux – notamment pour ce nouveau service de réanimation. On pourrait croire que le nombre de soignants sur place a fortement augmenté mais en réalité pas vraiment. En étant en “première ligne”, beaucoup d’entre eux sont soit malades, soit présentent les symptômes. Dans les deux cas, ils sont mis en quarantaine pour éviter tout risque.

 

Depuis le Covid, quand Apolline travaille elle fait des journées de douze heures. Mais ça ne la dérange pas. C’est sa façon de contribuer à l’entraide générale et nationale.

Dans son quotidien d’infirmière, le plus dur, c’est le manque de matériel car les services de réanimation et du “covid” sont prioritaires par rapport à son service. Par exemple, quand Apolline doit s’occuper de ses patients en cancérologie qui doivent être nourris par alimentation parentéral pour éviter une perte de poids, elle n’a plus rien à disposition et doit souvent mettre en place un système D. 

Bien que n’étant pas confrontée directement au Covid, il y a quelques jours, Apolline a du faire un test de dépistage. Son premier. Elle qui ne travaille pas dans un hôpital en première ligne, elle qui n’est pas dans un service de patients atteints du Covid. Elle qui n’a jamais été formée à ce test. Alors ce qu’elle redoute par-dessus tout, c’est de faire une faute d’hygiène car les règle sont strictes.

Mais elle s’adaptera. Comme elle le fait depuis le début. Comme tout le personnel soignant, comme les hôpitaux le font. Et comme la situation l’obligera à le faire à nouveau, sans doute.

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Sophie Astrabie.