Michelle. Je m’appelle Michelle. Je suis née en 1969 dans le fin fond du New Jersey. Ma mère ne travaillait pas et mon père était ouvrier. Je suis fille unique, alors je fais en sorte de soigner ma communication vis à vis de ma principale interlocutrice. Puisque c’est moi. Je suis très curieuse, j’invente des histoires, des journaux… Je crée ce à quoi je n’ai pas accès mais que je désire plus que tout. Une vie un peu plus ouverte sur le monde.

À 16 ans, le père d’une amie nous offre à toutes les deux un billet d’avion pour l’Europe. C’est un rêve qui se réalise pour la petite fille qui a toujours rêvé d’ailleurs sans jamais quitter son Etat. À mon retour, j’ai des étoiles plein les yeux. Cinquante plus une : l’Europe. En revanche, s’il y a bien un pays dans lequel je n’envisage absolument pas de vivre, c’est la France.

J’étudie à l’université publique du New Jersey. Comme je n’ai pas les moyens de voyager, j’assouvie mon envie de courir le monde autrement. Je deviens présidente de l’association des étudiants étrangers. Je cours le monde même si pour l’instant, c’est sur l’équivalent d’un tapis roulant. Peu importe, je cours. Je cours alors ça va.

À côté de mes études, je travaille comme serveuse dans un restaurant. J’ai 20 ans et je rencontre un jeune français qui fait la plonge. Il me propose de le suivre dans son pays. La France donc. On se marie et on s’installe dans une minuscule chambre de bonne à Paris. 

Mais la réalité me rattrape : comment trouver un job en communication dans un pays si différent du mien et dans une langue que je ne parle même pas ? Alors je reprends mes études de communication à La Sorbonne. Je les reprends, à zéro. 

Sur mon premier devoir, celui que mon professeur me rend à la fin du cours, ce n’est pas une lettre que je trouve, mais un chiffre. Et il ne me semble pas très gros : 5. Quand je comprends qu’en plus, ce chiffre, il est sur 20, je me dis que je ne vais jamais y arriver. 

Mais partir avec un léger désavantage, c’est l’histoire de ma vie. Et puis qu’est-ce que j’ai à perdre ? Rien. Alors je redouble d’efforts et j’obtiens mon diplôme. Comme une française.

Après tout, je m’appelle Michelle Gilbert maintenant, non ? 

Je commence à travailler dans une agence de publicité, Euro RCSG qui prendra par la suite le nom “Havas”. Deux ans plus tard, je suis embauchée pour lancer les CD-roms interactifs en France. C’est la première fois que l’on peut mettre autre chose que de la musique sur un CD. Je rejoins ensuite AOL et c’est un peu comme si j’avais aidé Internet à s’inventer. Presque.

Et puis ma carrière continue en même temps que ma vie de famille. J’ai un, puis deux, puis trois, puis quatre enfants. J’ai l’immense chance d’être la femme de mon mari et je me réveille chaque matin à côté de mon plus grand fan. L’homme qui aurait pu porter nos enfants, si seulement c’était possible. Pour autant, je ne crois pas en la chance car il n’y a pas de trame de vie : c’est à nous de créer et saisir chaque opportunité. Mais je crois en celle d’avoir un jour croisé sa route à lui.

Après dix ans chez AOL, je suis embauchée par Eurosport où je reste six ans. Et puis en 2011, Facebook vient me chercher. Pour moi. Pour ce que je suis. La femme, la mère, l’épouse, the-empowered-woman-to-be.* C’était il y a neuf ans. 

Neuf ans que je suis la directrice de la communication en France et en Europe du Sud du plus grand réseau social du monde. Que je travaille tous les jours avec des gens de grand talent, et même parfois avec Sheryl Sandberg et Mark Zuckerberg, sur le réseau social aux 2,7 milliards d’utilisateurs au monde et 22 millions de groupes en France. Moi. La petite fille du New Jersey, sans frère ni sœur avec qui communiquer.

Comme dit le livre “Le prophète” de Khalil Gibran, les parents sont des archers et les enfants, des flèches. Les archers tentent de donner l’impulsion et la bonne direction mais ensuite, la flèche fait son propre parcours. 

J’ai eu un père qui disait toujours “la plus grande qualité qu’on peut avoir, c’est la curiosité ». On n’était pas toujours d’accord mais sur ce point, il avait raison. Car c’est ma curiosité qui m’a guidée, qui m’a donné l’envie de découvrir le monde, les autres et de remettre toujours tout en question. Vive la curiosité, vive le Curiosity Club !**

 

 

 

Article rédigé par Sophie Astrabie.

 

Merci à Michelle, notre nouveau role model.

 

 

 

*empowerment, ce mot qui n’existe pas en français et qui est pourtant si nécessaire. L’idée de donner du pouvoir à une personne via la confiance qu’on lui octroie. 

** Promis, elle a  vraiment dit ça !