Elle s’appelle Agathe, elle est née une minute après minuit en Centre Bretagne ce 1er janvier. Juste avant Juan à Strasbourg, Charlotte à Dax, Gabin en Lot-et-Garonne.

L’empressement des quotidiens régionaux à relayer les premières naissances de l’année peut sembler déconcertant quand on sait que quatre enfants viennent au monde chaque seconde. Trois cent cinquante-trois mille bébés par jour. Cent vingt-cinq millions par an.

Mais ces âmes toutes neuves, qui s’éveillent au son des « Bonne année ! » et des baisers qui claquent, incarnent nos espoirs de renouveau, le désir de remettre les compteurs à zéro.

S’émerveiller de la naissance d’un enfant adoucit l’entrée dans le mois de janvier et nous préserve des informations angoissantes auxquelles nous sommes bien trop exposés.

Car les études sont formelles, nos perceptions sont sujettes à un biais de négativité : les événements négatifs nous impactent trois à cinq fois plus que les messages positifs, que l’on tend à passer sous silence et à oublier plus vite car ils ne présentent ni menace ni danger.

A quoi ressembleraient nos journaux si l’on y célébrait en priorité les joies du quotidien, les petites victoires et les lueurs d’espoirs ?

On y trouverait quelques lignes sur cette femme qui ose enfin se mettre à la photo après avoir passé des années à regarder celles des autres. Un article pour féliciter cette autre de rechercher un appartement pour échapper à l’emprise d’un conjoint envahissant.

Une rubrique serait dédiée à celles et ceux qui osent enfin dire oui à la vie qui leur tend les bras, quitte à se former à quarante ans à la médecine, au paysagisme ou à la pâtisserie.

Il y aurait des dépêches célébrant les parents arrivés juste à temps à l’école, sac de courses sur une épaule, sacoche d’ordinateur portable sur l’autre.

Et puis un rappel hebdomadaire des moments de bonheur qui traversent chaque journée, pour raviver l’éclat de rire causé par un raté mémorable en cuisine, l’escapade à deux le temps d’un déjeuner, ces quelques pages de roman savourées avant de s’endormir un soir. Même s’il faudra encore des semaines pour le terminer. Même s’il reste trop de cases à cocher sur la liste des tâches à accomplir chaque journée.

À défaut de prendre pour cette année 2023 qui démarre des résolutions insipides, si l’on en profitait pour élargir nos perspectives, pour ouvrir l’horizon des possibles ?

Multiplier par trois ou cinq l’attention portée aux événements heureux du quotidien et faire la peau au biais de négativité tout au long du mois de janvier.

Agathe, Juan, Charlotte, Gabin et les quatre autres nés chaque seconde après eux s’en porteraient bien et nous aussi, je crois.

On s’y met dès demain ?

Julie Allison