Au French Curiosity Club nous avons une volonté : vous immerger chaque mois dans des univers nouveaux. C’est pour cela que chaque soirée a lieu dans un endroit différent. Lorsque nous avons décidé d’inviter, Camille Morineau, Directrice des expositions et des collections au Musée de la Monnaie – nous voulions vous recevoir à la Monnaie itself – un peu esprit Casa de Papel. Avec une grande terrasse ensoleillée, un bar parsemé de plantes derrière des murs classés monument historique, le café Frappé par BLOOM de la Monnaie de Paris nous a conquise. C’est Pauline Albenque qui est aux commandes de cet endroit multifonctionnel.
Ce qui nous a encore plus conquise ; c’est elle. Avec son parcours de fonceuse, elle fait bien plus qu’elle ne dit. Elle teste, avance et recommence. D’abord elle teste avec ses études, en choisissant la voie d’ingénieur à l’école SUPELEC puis avec un master en informatique et finance à l’université de Columbia à New York. Elle avance en débutant sa vie professionnelle à la HSBC puis chez Murex, un éditeur de logiciel en finance. Et surtout elle recommence pour être sûre que son quotidien ait un sens.
A peine arrivée chez Murex, Pauline décide entre deux rendez-vous d’aller visiter des locaux de restauration – juste pour voir – et surtout parce qu’elle est passionnée de cuisine. Une semaine après, Pauline avait acheté son premier local – rue de la Forge Royale à Paris. L’objectif est d’en faire un petit troquet où tout viendrait en direct des producteurs. Elle l’appelle BLOOM. BLOOM a quatre ans cette année. Pour cette première expérience elle s’entoure d’un garçon de 17 ans qu’elle rencontre via une association qui aide à la réinsertion d’enfants immigrés en leur offrant une formation succincte. Guidée par la volonté de “faire quelque chose qui pourrait se reproduire et toucher plus de monde” Pauline vend BLOOM et achète en septembre 2017 un laboratoire de cuisine à Parmentier puis un nouveau restaurant dans le 8e arrondissement. Le laboratoire est le lieu de production, le restaurant le lieu de consommation. L’objectif à court terme est de multiplier les lieux de consommation.
L’appel d’offre de la Monnaie de Paris pour la reprise du café du 11 quai Conti, dont elle entend parler en mai 2017, arrive au bon moment. Elle est immédiatement séduite par l’aspect couteaux-suisse du projet : bar, salon de thé, restauration rapide. En juin, elle le visite. Le fait qu’un Musée public, et plutôt classique, cherchait à innover sans faire un concept bas de gamme attrape-touriste achève de la convaincre. Quelques jours plus tard, la petite entreprise de Pauline est sélectionnée et ouvre son troisième restaurant FRAPPE par BLOOM. Aujourd’hui Pauline est à la tête de deux sociétés différentes et elle manage presque dix personnes au quotidien. Nous avons pris le temps de discuter avec elle de son quotidien pour pouvoir vous le raconter. Un peu un FCC à l’écrit – si ça vous plait on réitérera.
Agir rapidement, prendre des décisions agilement
Pauline reste, par choix, associée unique pour pouvoir “agir rapidement et prendre des décisions agilement”. Dans tous les cas, il y a trop de sa personnalité dans BLOOM, ce serait difficile de partager. On trouve son choix audacieux, à l’heure où la tendance est clairement à l’association. Quand on lui demande si elle revient souvent sur ce choix, la réponse est négative. Son champ de compétence est large, il n’y a rien qu’elle ne sache pas vraiment faire, elle préfère contrôler. Sa détermination laisse assez peu de place à l’angoisse. Elle n’a pas un besoin vital d’être rassurée. Et elle le rappelle, même sans associé, son équipe l’accompagne au quotidien et veille au grain.
Horizon manager
On oriente la discussion sur son équipe et sur leur degré d’implication. Coup de chance, il y a des choses à dire puisque c’est le défi 2018 de Pauline. Son objectif : s’assurer que son équipe est impliquée, heureuse, en forme. Et au début de cette année charnière (avec la reprise de FRAPPE par BLOOM il y a quelques mois), si ces questions la taraudent, elle connaît les caps à suivre.
Pauline est une solitaire qui puise sa force dans sa capacité à s’en sortir seule. Elle dit qu’elle n’a besoin de personne. Sur la prise de décision, pas de temps à perdre, solliciter l’avis de l’ensemble de l’équipe peut vraiment ralentir le développement. Lorsque Pauline a tranché une question, plus question d’y revenir. Pour le reste, elle cherche à inciter les tests, la discussion et à déléguer. Elle reconnait que si les caps et les directions, c’est elle qui les fixent ; son épanouissement quotidien elle le trouve auprès de son équipe et de ses clients.
En parlant avec elle, on comprend que la complexité des relations humaines s’illustre parfaitement dans le cadre d’une société. La reconnaissance, d’abord. Avec l’importance pour un manager d’encourager et de féliciter ses équipes. Pourtant l’inverse est assez peu vrai, et il peut être difficile de ne pas avoir de retours positifs de la part de son équipe. Elle se raccroche à la fierté de se dire que le travail qu’ils ont, c’est elle qui leur donne. La communication, ensuite. A bon manager, on associe bonne capacité de communication alors on l’interroge. Sa réponse colle bien à sa personnalité : directe mais touchante. C’est pourquoi elle nous explique qu’elle ose dire les choses mais qu’elle a du mal à rester sérieuse jusqu’au bout et qu’elle peine à s’énerver (ce qui soit-dit en passant est quand même une qualité). Elle n’aime pas les situations de conflit mais cherche à s’affirmer car sans pilote dans l’avion, il n’y a pas de voyage possible. Le défi, enfin. Le sens du défi, Pauline l’a indubitablement. Elle remporte l’appel d’offre de la Monnaie neuf mois après l’ouverture de son second restaurant.
Be crazy, be happy
Tous ces accomplissements rendent Pauline heureuse. Alors on lui pose cette question qui nous hante tant ! Faut-il être frappé pour être heureux ?
La réponse est sans appel : “ Il faut être un peu fou pour faire ce que l’on a envie de faire et au final c’est en faisant ce que l’on a envie de faire que l’on est heureux”.
Alors on en arrive assez vite à une conversation que l’on adore avoir au French Curiosity Club – le courage ! Peut-on dire que tu es courageuse ? Pauline répond d’emblée que de très nombreuses personnes soulignent son courage mais qu’elle corrige immédiatement, c’est plus du lâcher-prise, de la persévérance, de la rage.. Plusieurs fois, alors qu’elle était dans la folle aventure de la Monnaie, Pauline s’est fait la réflexion que non tout le monde ne pouvait pas le faire. Il faut être dur, ne rien lâcher. Pourtant lors de l’ouverture de son premier restaurant, Pauline s’était dit le contraire. Preuve qu’avec cette nouvelle ouverture, un cap était passé.
Créer son entreprise, c’est aussi se mettre à nu. Lorsque des critiques sont émises envers l’un de ses restaurants c’est elle que l’on critique. Ce goût pour les sensations intenses, c’est comme ça qu’elle a envie de vivre sa vie.
Pas d’encéphalogramme plat pour cette ingénieure. A double tranchant, elle n’a jamais l’impression de travailler, sa vie c’est son travail – ce qui peut être traître parfois.
Et la curiosité dans tout ça ?
Grande question également sur son rapport à la curiosité. Pour Pauline la curiosité c’est un piment qui rend les gens intéressants. On le voit dès l’enfance : un enfant qui n’est pas curieux, elle trouve cela triste. En grandissant, la curiosité permet de conserver une part d’enfance puisqu’il y a quelque chose d’innocent dans le fait de s’intéresser à tout.
La curiosité c’est une aventure aussi. Lorsque l’on fait l’effort de poser des questions , on finit par trouver de l’intérêt pour d’autres sujets. La curiosité et l’enthousiasme vont ensemble : si nous ne sommes pas curieux, il n’y a plus d’enthousiasme. C’est ce qu’elle aime chez son mec qui passe son temps à poser des questions aux gens. Elle trouve qu’il les rend intéressants quelque soit leur sujet de prédilection.
C’est ce qui lui a plu dans notre French Curiosity Club, ce sont les profils invités : originaux, authentiques, sans surdose de confiance en elles – et surtout qui entendent vivre leur vie intensément. Preuve que Pauline avait bien cerné nos intentions. Elle nous parle aussi de la facette féminine du FCC, elle apprécie la façon dont on aborde le sujet. Pas revendicatif, juste dans l’action.
What’s next ?
Si on lui demande comment elle envisage la suite ou quel sera son prochain challenge, sa réponse nous fait sourire. Elle ne s’est jamais demandé ce qu’elle fera après. Et surtout, elle compte bien ne jamais se poser cette question. Elle verra, pas certaine qu’il s’agira de restauration.