Cette semaine c’est mon anniversaire. C’est un anniversaire particulier parce que c’est la première fois de ma vie, que j’ai l’âge qu’avait un adulte quand j’étais enfant. Ce que je veux dire c’est que j’ai le souvenir d’un adulte de ma famille qui me donne son âge et que c’est celui que je viens d’avoir. Or enfant, souvenez-vous : tous les adultes étaient vieux.

Pire : aujourd’hui ils le sont encore plus. 

C’était ma tante et elle m’avait dit “33 ans, comme Jésus”. À l’époque, je devais avoir 5 ans et je n’avais pas la moindre idée de qui était ce Jésus qui avait un âge célèbre. 

J’avais dit d’accord.

Plus tard j’ai compris que Jésus avait passé une sale trente troisième année et que ma tante n’était pas très originale. Le “33 ans comme Jésus”, c’est un peu le “Noyeux Joël” du 25, le “à l’année prochaine” des derniers jours de décembre et le “ y’a plus de saison” de la boulangère.

 

Bref. Trente-trois ans, c’est la première année que mon âge me surprend. 

 

Enfant, on a hâte de grandir. On a si hâte que l’on compte les demi années et qu’on se révolte quand nos parents disent que l’on a six ans alors que pas du tout : on a six ans et demi. Je ne sais pas après quoi on court à cet âge. Nous sommes pressés c’est une évidence, mais de quoi au juste ? Qu’est-ce qu’on peut bien nous faire miroiter ?

Et puis, quand est-ce qu’on arrête de vouloir prendre une année supplémentaire ?

Si on voulait diviser le monde en deux, choisir le critère “ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas leur anniversaire” pourrait être une option. Moi, de manière générale, j’aime bien mon anniversaire. 

En classe de troisième, j’étais interne dans un collège. Tous les soirs nous avions étude dans la même classe que celle dans laquelle nous avions eu cours durant la journée et dans laquelle nous aurions cours le lendemain. Alors la semaine précédent mon anniversaire, chaque soir, j’écrivais au tableau le décompte des jours jusqu’à mon anniversaire. Chaque matin, mes profs se retrouvaient à constater que nous étions à 6, 5, 4, 3 jours de mon anniversaire. Le jour J, ils n’avaient pas d’autres choix que de me le souhaiter. 

Plus tard, il y a eu les téléphones portables et on pouvait compter à quel point on était aimé en fonction du nombre de messages que l’on recevait. C’était idiot et superficiel. On a appelé ça l’adolescence. 

Et puis arrive la majorité. Le bac, le permis et la carte d’identité que l’on trouve désormais facilement dans nos sacs, quand on arrive devant les videurs de boîte de nuit. Dix-huit ans, le passeport pour la liberté.

Après les choses s’enchaînent. Vingt-ans et ceux qui nous avaient dit “Noyeux Joël” nous disent que c’est le bel âge.

Vingt-cinq ans, on fait une crise du quart de siècle parce que c’est la première fois qu’un âge peut être ramené à une vie, bien que 100 ans, ce soit un peu ambitieux. Mais vingt-cinq ans, c’est ça, l’âge de l’ambition. 

À vingt-six ans, on fait la terrible erreur de se croire vieux, déjà, alors qu’on a toute la vie pour ça.

Trente ans, c’est la pilule un peu dure à avaler. Ça fait trois ans qu’on a fait le deuil de la carte de réduction SNCF. À cet âge nos parents nous avaient déjà, parfois depuis plusieurs années. On achète du vin en se basant davantage sur le chiffre qui constitue le prix que celui qui nous fait une promesse d’un fort taux d’alcoolémie. 

Puis les années s’ajoutent, comme des retenues. On se connaît mieux. On sait que le gluten, ça nous fiche des crampes au ventre. Mais on ne s’écoute pas pour autant. On se fait encore des coquillettes-demi-baguette avec du coca en canette.

Le temps s’accélère. On a peut-être un enfant qui a débarqué et à qui on file pas mal de notre temps. Résultat, on en a plus. Ou on croit ne plus en avoir jusqu’à ce que le deuxième arrive.

Trente-cinq ans, c’est dix ans de plus que vingt-cinq et vingt-cinq ans, on avait déjà fait une crise identitaire donc bon.

Et la vie qui continue de filer. Quarante ans. Qui se souvient des quarante ans de ses parents et du coup au moral qu’ils avaient pris ce jour-là ? L’ambition se fait plus sage aussi. Quarante ans, c’est la moitié de notre vie. Quatre-vingt ans donc. Vingt ans viennent de sauter depuis nos 25 ans.

La suite, on ne sait pas. Ce qu’on sait c’est que tous les gens qui vieillissent, regrettent un peu leur jeunesse mais pas la vie qui est fournie avec. Alors on part à l’aventure des années qui nous attendent. L’âge, c’est un joli pays pour un voyage.

 

 

 

 

Article rédigé par Sophie Astrabie.

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