Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, ce reconfinement me déprime. Sans doute parce qu’il y a ce suffixe “re” devant et que j’ai l’impression que c’est un retour en arrière. Que c’est répétitif. Une discussion sans fin et sans objet. Re :

Que c’est la même chose que la première fois mais sans l’effet de surprise. Sans l’impression de vivre une expérience unique. Le reconfinement, en fait, c’est une deuxième expérience unique. 

C’est étrange car avant le discours du Président Macron, je disais plutôt “on va être confiné à nouveau”. Mais sûrement pas “reconfiné”. Et c’est peut-être ça qui, inconsciemment, m’a déprimée. Quand j’ai vu que tout le monde parlait de “reconfinement”.

Vous n’avez pas l’impression vous, que dans reconfinement il y a l’expression “et allez c’est reparti pour un tour” dissimulée à l’intérieur ? Moi si.

Je dois aussi vous avouer quelque chose. La première fois que j’ai entendu le mot confinement au début de l’année 2020, j’étais un peu perplexe. Perplexe c’est un mot un peu hypocrite pour dire perdue. En fait, ce mot, je ne le connaissais pas vraiment. J’avais l’impression que tout le monde l’utilisait avec aisance, comme si c’était un mot du langage courant, quelque chose que l’on prononce pour saluer sa boulangère… Mais moi, ça ne me disait rien.  Alors je l’ai cherché sur le dictionnaire car c’est une de mes activités préférées (ça et le tricot du coup, vous vous en doutez) et c’est comme ça que j’ai découvert que confiner ça voulait dire : forcer à rester dans un espace limité.

Sauf que l’on nous parle jamais de “confiner”. On nous parle de “se confiner”. Et c’est pareil mais avec un pronom personnel réfléchi, comme si on était personnellement responsable et qu’en plus, on avait décidé ça tout seul, après mûre réflexion. Alors que pas du tout. On est des enfants et on nous envoie dans notre chambre. C’est tout. On ne se confine pas. On nous confine. 

Une autre définition de confiner, c’est aller jusqu’aux confins. Autrement dit, l’extrémité, la limite, la frontière. Avec le confinement donc, on va au bout de nous même. On explore les limites de notre propre territoire. Et c’est très perturbant car on semble se surpasser, alors qu’on n’a jamais été aussi immobile.

Ah le pouvoir des mots sur notre façon de voir les choses. Vous avez déjà pensé au fait que le confinement aurait pu s’appeler différemment ? Par exemple, la retraite. L’enfermement. Ou bien le repli. Ou encore un mot suédois qui nous donnerait l’impression de boire du thé sur notre canapé avec des chaussettes en alpaga avec des bougies senteur cannelle à longueur de journée ? 

Dans d’autres langues après tout, le terme est différent. Les anglais utilisent lock down et c’est assez violent je trouve, tout de même. On a l’impression qu’on nous jette dans une cellule, qu’on s’écroule à terre et qu’un geôlier ferme à clé en riant très très fort. Non ? 

Tout ça m’a fait réfléchir.

John F. KENNEDY que j’ai bien connu dans une vie imaginaire, m’a dit un jour « Écrit en chinois, le mot « crise » se compose de deux caractères : l’un représente le danger et l’autre l’occasion à saisir. ». 

Et c’est vrai, parait-il. 

Alors je me demande si nos mots ne devraient pas eux aussi, avoir toujours deux significations antagonistes.

On aurait juste à décider quel chemin prendre, vers quelle direction regarder. La crise, c’est une destruction créatrice. C’est toujours deux phases : on accuse le coup et puis on l’accuse, ce coup. Et on le rend. 

C’est un petit commerçant qui s’auto attrape par le col et qui met en place le click and collect qui lui était passé sous le nez lors du premier confinement. C’est une entreprise qui refait enfin son site Internet pour concurrencer Amazon. C’est une reconversion qu’on entreprend, enfin.

Ce deuxième confinement, ce re-confinement, c’est la possibilité de surpasser un trouble latent qui dure depuis des années, grâce à une crise explosive qui ne nous laisse pas le choix

Et alors peut-être que ce “re”, donne un deuxième sens au mot. Que ce n’est même plus le même. Que ce “re”, c’est une deuxième chance.

Le confinement aurait pu s’appeler différemment mais ce n’est pas le cas. Et ce n’est sûrement pas pour rien. Avec le reconfinement, on touche aux limites et même on les atteint. Et alors vient le temps de les dépasser. 

Au confinement on a pensé nos vies. Avec le reconfinement, on les repense. 

 

 

Texte écrit par Sophie Astrabie.