Louise se trouve nulle. Elle dit souvent « je n’y arriverai pas », « ce n’est pas pour moi », « je n’ai pas le choix ».

Si vous croisez Louise dans la rue, vous ne soupçonnerez rien.
Comment imaginer que la femme qui marche sur le trottoir d’en face est habitée par le doute à ce point-là ? Un mal qui gangrène l’âme, alimenté par une voix perchée sur son épaule qui rabâche à longueur de journée combien Louise n’est pas douée, n’a pas de volonté et n’est pas digne d’être aimée.

Au bureau, Louise est aussi discrète que diligente. Elle maîtrise le fond de chaque dossier et ne compte pas ses heures. On le lui dit souvent : elle est « a-do-rable » et n’a pas son pareil pour apporter des solutions aux problèmes des autres. On rêverait de n’embaucher que des Louises, elles ne disent jamais non et ne demandent pas d’augmentation.

En vacances cet été, des Louises, vous en verrez. Elles tirent sur leur maillot de bain l’air gêné en partant se baigner, comme si le monde entier braquait son regard critique sur leur fessier, à la recherche d’une vergeture ou d’une trace de cellulite à dénoncer. Elles s’excusent de ne pas terminer leur plat, assurant au restaurateur que c’était délicieux même quand ça ne l’était pas. Cèdent leur place dans la queue de la boulangerie, « ce monsieur a l’air plus pressé que moi ». Et quittent les boutiques chargées de babioles dont elles n’avaient aucun besoin : « La vendeuse était si gentille ! Je n’ai pas osé dire que je n’en voulais pas ».

Des Louises, j’en connais dix, vingt, trente. Je les démasque instantanément, et pour cause : j’ai vécu dans la peau d’une Louise pendant bien trop longtemps.

La seule personne à qui une Louise n’accorde aucun crédit, c’est elle-même.
On peut se voiler la face et prétendre que c’est altruiste, dire que les autres seraient bien inspirés d’en faire autant. Mais la confiance, du latin confidentia, c’est l’espérance ferme que l’on place en quelqu’un, la certitude de sa loyauté. Manquer de confiance en soi c’est douter de sa propre loyauté. C’est se soumettre par défaut à la volonté des autres. Avoir confiance en soi, c’est la garantie de pouvoir dire librement oui ou non, c’est la base même du consentement. Bref, se faire confiance, c’est important.

Les rayonnages dédiés au développement personnel des librairies regorgent de livres destinés aux Louises car il y a là un vrai filon. Règles d’or pour s’affirmer, méthodes pour se libérer du regard des autres, promesse de devenir enfin soi-même en trois mois : il n’y a que l’embarras du choix sur le marché très lucratif de la confiance en soi. S’y ajoutent pêle-mêle les conseils en renforcement positif qui circulent sur les réseaux sociaux, du « I am enough » inscrit au rouge à lèvres sur le miroir de la salle de bains, à la posture du super-héro, mains placées sur la taille, pieds écartés à la largeur des hanches, torse en avant et menton incliné vers le haut.

Louise, si tu me lis, je t’offre le seul conseil qui m’ait servi : la confiance en soi ne se décrète pas, elle s’acquiert, pas à pas. Son absence n’est pas un trait de ta personnalité, encore moins une fatalité.

Car la confiance en soi n’est pas une qualité, c’est une compétence. De la même façon que l’on apprend laborieusement à lire, écrire ou compter, pour prendre confiance en soi, il faut s’exercer. Enregistrer chaque petite victoire. Clouer le bec mois après mois à la voix critique perchée sur ton épaule. Pour pouvoir dire oui à ce qui te fait vraiment envie.

Alors, ma chère Louise, par quoi vas-tu commencer cet été ?

N.D.A : Louise aurait pu s’appeler Maud, Farah, Aglaé ou Dominique. Louise est un très beau prénom et je lui demande pardon !

Julie Allison