Marjolaine était notre première talkeuse à Paris, début 2015. Elle nous a parlé de vignes, d’arômes, de récolte… On a bu des paroles en buvant du bon vin et c’est un merveilleux souvenir !
Aujourd’hui elle a décidé de nous partager un autre pan de sa vie, plus intime, plus profond.
Jusqu’à l’âge de 25 ans, j’ai vécu dans une certaine sérénité. Comme tout le monde, je connaissais des périodes de doutes mais qui finissaient toujours par se dissiper. Aimant l’école, mes amis et ma famille, j’avais confiance en l’avenir et en la vie. Jusqu’à ce que tout bascule.
C’était à l’automne 2015. Je devais préparer ma soutenance de fin d’études qui allait clore ma vie étudiante, et j’étais paralysée. Je rêvais de trouver un job rapidement mais, bizarrement, j’étais convaincue qu’aucune entreprise ne voudrait jamais de moi. Je me trouvais moche, incompétente, indigne de confiance… Au même moment, je remettais en cause le mariage avec mon fiancé que j’aimais pourtant profondément. C’était la crise.
Ni moi ni mes proches ne comprenaient ce nouvel état. Une amie de la famille, psychologue, n’a pas mis longtemps avant de poser le diagnostic « dépression ». Qu’est-ce que ce mot signifiait pour moi ?
Un état que connaissent les personnes qui ont vécu un drame dans leur vie : deuil, séparation, chômage… Moi je n’avais rien perdu. Rien, si ce n’est l’insouciance de la vie d’enfant. L’atterrissage dans la peau d’un adulte m’a paru super violent.
Je me souviendrai toujours de ces journées passées dans ma chambre d’étudiante à Montpellier, au lit du matin au soir, sans autre désir que celui de disparaître du monde extérieur. La seule chose qui me faisait envie était de me goinfrer de pâte à tarte crue, fourrée au fromage râpé.
A ce moment-là, j’ai réalisé à quel point la « descente aux enfers » peut être rapide. Et je comprenais subitement pourquoi certains finissent à la rue, du jour au lendemain… Si je n’avais pas été entourée par l’amour de mon fiancé, de mes parents, de mes amies, Dieu seul sait ce que je serais devenue.
Finalement, un premier job empoché à l’arraché, un accompagnement psy et beaucoup d’affection m’ont permis de remonter progressivement la pente et de retrouver ma joie de vivre.
Depuis cette première chute, il y en a eu d’autres, plus ou moins sévères et plus ou moins faciles à surmonter. Au fil des années, j’ai appris à mettre des gardes fous, des parades, pour toujours garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, l’échec fait partie de ma vie. A chaque nouvelle phase dépressive, je retombe à terre comme un alcoolique qui récidive. Le plus dur dans tout cela, c’est d’être confrontée au regard des autres qui pensent que l’on devrait arriver à lutter contre. Je ne remets pas en cause la puissance de la volonté, je dis simplement que, face à certains troubles psychiques, elle ne suffit pas.
L’échec a bon nombre de facettes et celui que je connais, n’en est qu’une parmi tant d’autres. Ma méthode à moi est de l’accepter quand il se présente. Ne pas lutter contre, où l’on se noie… Comme pour une vague. On ne la voit pas toujours arriver, mais lorsque l’on est dedans, mieux vaut se laisser porter par elle. Le rouleau fait parfois mal, mais toujours garder la certitude qu’il finira par passer et nous laisser remonter à la surface.
S’il fait partie de la vie, l’échec n’en est pas moins douloureux pour ceux qui le vivent. Pour le surmonter, mieux vaut être entouré, aimé, soutenu. Tout le monde n’a pas cette chance.
Marjolaine
