Cette semaine dans la presse on a lu trois articles qui nous ont marquées. Si d’apparence ils n’ont rien à voir entre eux et si l’un des trois est léger quand les deux autres sont très intenses, on leur a tout de même trouvé un point commun. On vous raconte.

 

En novembre, Noëlla Rouget est décédée à l’âge de 100 ans. Cette ancienne institutrice, résistante, a été déportée au camp de Ravensbrück en 1944. Lors de sa libération, le 5 avril 1945, Noëlla ne pesait plus que 32 kg et était atteinte d’abcès tuberculeux. Entre temps, son fiancé Adrien Tigeot, avait été torturé puis fusillé le 13 décembre 1943. À l’origine de leur malheur, un seul homme : Jacques Vasseur, un collabo responsable de 430 arrestations, 310 déportations et 230 morts, fusillés ou morts en camps de concentration.

Pourtant, lorsqu’il est retrouvé en 1962 alors qu’il se cache depuis 17 ans dans le grenier de sa mère, Noëlla s’oppose fermement à sa condamnation à la peine de mort. Elle se bat sans relâche pour que son bourreau soit gracié, quitte à se mettre à dos ses camarades de la résistance.

Elle dira alors cette phrase : « De quel droit juger un homme si, placés aujourd’hui à notre tour en position de force, nous nous comportons comme il le fit hier »

 

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Le 30 novembre, c’est la mort d’Anne Sylvestre que l’on apprend dans la presse. Anne Sylvestre qui aimait les gens qui doutent au point d’en faire une chanson pour leur rendre hommage. Ceux qui se remettent en question, ne tapent pas du poing sur la table et n’écrasent pas les autres sous le poids de leur conviction. Elle défendait les femmes, s’insurgeait contre le racisme, dénonçait l’injustice. Pourtant, Anne est la fille d’Albert Beugras, l’un des bras droits du collaborateur Jacques Doriot pendant la seconde guerre mondiale. Fille d’un collabo donc. Lorsqu’elle rentre à l’école chez les dominicaines, la photo de son père est partout. Des pages entières dans les journaux. Les enfants, sous les ordres de leurs parents, lui tournent le dos. Mais la directrice, la sœur du colonel Rémy, un résistant notoire de cette sombre période, elle-même déportée, la défend et la sauve. 

 

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Autre époque, autre vie.

En janvier 2015, Margaux la fondatrice du Curiosity Club était dans un bar avec des amis. Elle racontait, sûrement un peu trop fort, grisée par l’excitation d’un projet qui naît, son idée de créer un club de femmes dans lequel il serait question de sororité et de role model pour s’inspirer les unes les autres. Une femme s’approche alors d’elle et lui dit : “J’ai entendu ce que vous vouliez faire et je trouve que c’est une super idée. Si vous avez besoin d’un lieu pour accueillir l’œnologue dont vous venez de parler, sachez que j’ai une cave privée. Je peux vous la prêter.” Le Curiosity Club était lancé.

Alors forcément, lorsqu’on a lu dans Madame Figaro que la PDG de Boucheron disait avoir élevé ses enfants en leur expliquant que la gentillesse est fondamentale et qu’elle n’a rien à voir avec la faiblesse, on n’a pas été très étonnées. Pas très étonnées que cette CEO s’appelle en réalité Hélène Poulit-Duquesne et qu’elle pouvait prêter sa cave sur un coup de tête, à une jeune inconnue enthousiaste, qui parle un peu trop fort dans un bar. Par simple gentillesse.

 

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Trois histoires, plus ou moins denses, plus ou moins profondes. Trois histoires et trois femmes qui ont choisi la gentillesse, le pardon, le doute, l’entraide. Trois femmes qui se sont élevées pacifiquement contre les idées souvent prônées pour parvenir à nos fins.

La semaine dernière, en interviewant Michelle Gilbert, directrice communication de Facebook France et Europe du Sud, on se disait que, décidément, les codes avaient changé. La vulnérabilité ne se cache plus, au contraire, elle s’assume. Il faut demander de l’aide, nous expliquait Michelle. Quand on ne sait pas, on pose la question. Il ne faut pas avoir peur de perdre en crédibilité. Les gens sont toujours disposés à nous tendre la main. 

Demander de l’aide, se faire aider ou bien aider sans qu’on le leur demande, c’est ce qu’ont fait ces femmes. Elles ont été le maillon d’une chaîne. Elles oeuvrent et ont oeuvré à transmettre d’autres valeurs et d’une certaine manière, à changer le monde.

En lisant ces histoires, on s’est dit que cette phrase de Charlie Mackesy accrochée à l’Arc de Triomphe, était plus que jamais ce que nous devions garder en tête :

« La haine fait beaucoup de bruit, mais il y a dans ce monde plus d’amour qu’on imagine »

Alors bien sûr, loin de nous l’idée de comparer l’histoire de Noëlla Rouget et celle du Curiosity Club. On ne peut pas comparer une femme qui pardonne à son bourreau et une femme qui prête un local. On ne le pourra jamais. Mais l’amour est partout, dans des petits gestes comme dans les grands. Un petit geste peut un jour en devenir un grand. Et c’est important de s’en rappeler. C’est important.

 

 

Article rédigé par Sophie Astrabie.